1940 Bombardements

Les bombardements aériens dans l'Oise
durant la Campagne de France (mai-juin 1940)

par Marc Pilot et Françoise Rosenzweig-Leclère

Les bombardements italiens en Abyssinie (Ethiopie) en 1935 et plus encore ceux de Guernica (Espagne) en 1937 par les aviateurs allemands de la Légion Condor préfigurent la guerre aérienne moderne qui allait se dérouler en Europe dès 1939. Le ministère de la Guerre français en est conscient et il organise  sur l’ensemble du territoire national en 1938 l’action de la Défense Passive qui vise à « limiter les risques encourus du fait des bombardements aériens par les personnes et les ressources, soit en leur assurant une protection directe, soit en diminuant l'efficacité des attaques par la dispersion et le repliement. ». Dès le mois de mai 1940 les premières bombes tombent sur notre département.
Terroriser la population
Les bombardements de 1940 touchent l'Oise de plein fouet : le département est au sud de la ligne de front située sur la Somme. Ils se déroulent en deux phases.
La première concerne d'abord l'est du département. La guerre fait brutalement irruption dans la vie des Isariens le 17 mai 1940 avec le bombardement de Compiègne. D’autres attaques plus massives de produisent les 19 et 20 mai. Les pompiers du capitaine Fournaise luttent sans désemparer durant 62 heures contre l’incendie qui  ravage le cœur historique.Le 18 mai Creil, St Leu, Précy-sur-Oise et Verberie sont visées.
A Breteuil les premières bombes tombent le dimanche 19 mai, jour des premières communions, et le lendemain. Les attaques se poursuivent sur Creil et Senlis, le 21, Crépy-en-Valois le 26, Saint-Leu-d’Esserent et Montataire le 1er juin. 
La seconde phase touche l'arrondissement de Beauvais. Le chef-iieu du département paye le plus lourd tribut : le centre est touché les 20 et 21 mai et surtout entre les 4 et 8 juin. Le bâti ancien, encore largement médiéval et composé en grande partie de bois, est particulièrement vulnérable. On estime que 80% du centre ville disparaît. L’incendie de la bibliothèque cause la perte d’un patrimoine inestimable avec la disparition de 42 000 volumes. Cette forme de bombardement stratégique ne vise pas uniquement la désorganisation et l’affaiblissement du potentiel adversaire, il s’agit d’une forme de guerre psychologique qui instaure la terreur.
Le magasin « Au bon diable » à Creil offre une vision dantesque : plusieurs centaines de militaires et de civils se sont réfugiés à l’intérieur lors du raid du 9 juin, ils ont baissés les rideaux métalliques en pensant naïvement se protéger et ils sont tous carbonisés.

Des objectifs militaires
Les bombardements tactiques visent des objectifs militaires comme les voies et les moyens de communication ou des positions identifiées. Ainsi des bombardiers visèrent-ils le viaduc puis la gare de Gouvieux le 19 mai . Les terrains d’aviation constituent également des cibles de choix : celui du Plessis-Belleville est attaqué lors de l’opération Paula le 3 juin, celui des Aigles à Gouvieux reçoit quelques projectiles le 6.
Il est resté dans les mémoires des témoins les spectaculaires attaques en piqué des JU 87 plus communément appelés Stukas. En voici une bonne description rapportée par le lieutenant Riboud du Ve groupe du 237e Régiment d’Artillerie. « A Breteuil, nous vîmes apparaître dans le ciel une nuée d’avions qui n’étaient pas d’observation. Ils tournoyaient à haute altitude. Puis l’un d’eux se détacha, plongea et se redressa dans un vrombissement perçant. Nous aperçûmes alors, se détachant de l’appareil, un paquet de petites crottes noires. Quelques secondes plus tard, c’était le tonnerre des explosions. L’un après l’autre, à un intervalle de cinq secondes à peu près, les stukas se succédèrent dans leur plongée, comme dans un ballet bien réglé. En quelques minutes, Breteuil fut en flammes »  .
Si ces appareils inspirent une terreur sans borne aux réfugiés, en particulier à cause du bruit infernal des sirènes en piqué, les soldats relativisent assez vite leur pouvoir destructeur tout en déplorant amèrement l’absence d’opposition de la chasse.
Quelques résultats spectaculaires sont cependant obtenus avec la destruction des ponts de Compiègne et de Pont-Sainte-Maxence le 9 juin. Dans les deux cas des bombes font jouer la mise à feu des charges disposées par le Génie français.
A Pont-Sainte-Maxence le bilan est terrible car des troupes en retraite franchissent l’Oise au moment de l’attaque. « Tout le long de la rue étaient étendus des cadavres de militaires et civils mêlés à ceux des chevaux. Aux abords du pont, le spectacle était encore plus horrible. Les personnes qui avaient sauté avec l'ouvrage étaient déchiquetées et, pour beaucoup, impossible à identifier ». Le franchissement n’était plus possible et le matériel lourd est abandonné de chaque côté de la route sur plusieurs kilomètres.


Après avoir  cherché à terroriser la population et à « nettoyer le terrain », les forces allemandes atteignent leur objectif premier, la vallée de la Seine. Le 9 juin, Rommel est à Rouen. Dès lors, l'Oise n'est plus la cible des bombardements. On relève, pour l'ensemble du département, 525 victimes, 160 communes sont atteintes. Le centre des villes est pulvérisé (Compiègne, Beauvais, Breteuil, Grandvilliers).
Après une accalmie relative,les bombardements ponctuels puis massifs reprennent en 1943. Mais ils  sont le fait cette fois des Alliés qui cherchent à neutraliser les aérodromes et à empêcher la convergence des forces allemandes vers la zone du futur débarquement.

Sources:
Pilot Marc, La région de Compiègne pendant la Seconde Guerre mondiale, Annales Historiques Compiégnoises, 1994.
Brayet Maurice, Beauvais, ville martyre ou Trois mois de magistrature municipale, juin-août 1940, Imprimerie moderne du Beauvaisis, 1964. Cet ouvrage comporte une carte des points d’impact repérés.
Gondron Frédéric, Un aérodrome peu connu « les Aigles », Gouvieux-Chantilly août 1939 – juin 1940, Bulletin de la Société Historique de Gouvieux, N° 10, 1999.
Riboud Jacques, Souvenirs d’une bataille perdue (1939-1940), Centre Jouffroy J.R.S.C. Editions, Paris 1994.
Boré Henri, Les chemins du destin, récit authentique d’un paysan au cœur des évènements, Au fil des jours, 1981
Alfroid Jean, Les bombardements aériens du département de l’Oise, Comptes rendus et Mémoires de la Société Archéologiques et Historique de Clermont-en-Beauvaisis, Tome XXXVII, 1988-1990.
Rapport du capitaine Parou de la section de gendarmerie de Beauvais du 1/8/142 et rapport du 9/9/1942, rapport de l’adjudant-chef Potier de la section de Compiègne du 9/9/42. Archives Départementales de l’Oise, 33 W 8245. Cette expérience resta sans suite, les Japonais utiliseront le même principe sans plus de succès pour toucher le territoire américain à partir de novembre 1944.
Extrait de "Ils ont filmé la guerre en couleur"

Compiègne, la rue Solférino

Pont-Sainte-Maxence, le pont

Beauvais en ruine

Progression des Allemands dans Breteuil en ruine
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