1944-07-02

Le convoi du 2 juillet 1944 parti de Compiègne


Extrait  du site de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation


" Ce transport est le cinquième parti de France à prendre la direction du KL Dachau depuis le débarquement de Normandie. C'est aussi le plus important qui ait jamais quitté Compiègne. Il est resté tristement célèbre sous le nom de « Train de la mort » en raison du nombre élevé des décès survenus durant le voyage.

Le dimanche 2 juillet 1944, vers 9 heures 15, le train n°7909 s'ébranle sous une légère bruine de la gare de Compiègne en direction de l'Allemagne. Dans chacun des 22 wagons, les nazis ont entassé une centaine d'hommes. Avant Soissons, le soleil fait son apparition et la chaleur envahit rapidement les wagons, d'autant plus que le train roule lentement et observe des arrêts fréquents. A 11 heures 05, le sabotage de la voie l'oblige à stopper au niveau de Saint-Brice, quelques kilomètres avant Reims. Les dégâts sont peu importants et le transport reprend sa route après trois heures d'arrêt sous un soleil de plomb.[1] Il s'immobilise ensuite une première fois en gare de Reims. La chaleur, le manque d'eau et l'asphyxie sont déjà à l'origine d'une centaine de décès. Le convoi repart vers 15 heures 10, mais, après un court trajet, un nouveau sabotage est à l'origine du déraillement de la locomotive au niveau de l'aiguillage du dépôt de Bétheny. Les wagons sont ramenés par un tracteur de manœuvre à la gare de Reims, sur une voie de garage, où ils stationnent en plein soleil en attendant le relèvement de la locomotive. Les morts se succèdent pendant ce long arrêt alors que la chaleur est devenue suffocante. Des détenus médecins appellent les services sanitaires et les nazis entrouvrent quelques portes. Dans certains wagons, les hommes, poussés par la folie, s'entretuent. Enfin, vers 20 heures, le train reprend sa route vers l'Est et roule toute la nuit. 
Le 3 juillet, en fin de matinée, le transport s'arrête à Revigny, à quelques kilomètres au nord-ouest de Bar-le-Duc. Les cadavres de la veille commencent à se décomposer et les Allemands décident d'ouvrir les portes. Ils font descendre les survivants et en désignent quelques-uns pour enlever les corps et les transporter dans des voitures libérées à cet effet. Les agonisants sont achevés sur le ballast d'une balle dans la tête. D'autres détenus sont chargés du ravitaillement en eau, alors que la pluie tombe à torrent. Ces opérations terminées, les détenus sont regroupés dans les wagons, puis le n°7909 quitte Revigny vers 15 heures. Les scènes de violence se poursuivent et le calme ne revient qu'en soirée, alors que le convoi franchit la Moselle et s'arrête vers 21 heures 50 en gare de Novéant, devenue gare-frontière depuis l'annexion de fait de l'Alsace-Moselle Le 4 au matin, le train quitte Novéant vers 7 heures 15 en direction de Sarrebourg où il s'immobilise en fin de matinée. Les portes s'ouvrent et des infirmières de la Croix-Rouge allemande s'avancent pour distribuer de la soupe et de l'eau. Mais, vers 15 heures 15, les Allemands interrompent brutalement le ravitaillement et ordonnent le départ. Le train rejoint Strasbourg par la trouée de Saverne, puis il s'enfonce en Allemagne en passant par Karlsruhe, Pforzheim, Stuttgart, Ulm, Burgau, Augsbourg et Munich. Après un dernier arrêt dans cette ville, il arrive à Dachau-gare le mercredi 5 juillet vers 15 heures. Une heure et demie plus tard, les survivants font leur entrée au KL Dachau alors que les corps sans vie sont retirés du train, puis transportés directement au crématoire sans être enregistrés.

Bien des incertitudes ont longtemps plané sur le nombre de décès pendant le transport, mais aussi sur le nombre exact des déportés partis de Compiègne. Christian Bernadac était ainsi parvenu à identifier 536 morts durant le transport, chiffre repris par l'Amicale de Dachau.[2] Paul Berben avançait, quant à lui, le chiffre de 984 morts. Pour les partisans de l'hypothèse haute, il subsisterait en effet des parts d'ombre. A la halte de Revigny, par exemple, les détenus ont été autorisés à descendre afin de « recompléter » les wagons. A ce moment, selon certains témoins, des cadavres auraient été laissés sur place par les Allemands au moment de repartir. Cependant, d'autres survivants de ce voyage, parmi les derniers remontés à bord, affirment n'avoir rien vu de tel. Les recherches du groupe de Caen[3] ont permis d'identifier avec certitude les noms de 519 morts, corrigeant ainsi un peu à la baisse le chiffre de Christian Bernadac qui avait comptabilisé quelques hommes déportés en réalité dans des transports partis de Compiègne avant ou après le « Train de la mort ». Ce chiffre ne reste cependant qu'une estimation du fait de l'absence d'une liste de départ de Compiègne. Même revu à la baisse, il ne minimise en rien le drame qui s'est déroulé le 2 juillet 1944.
La conjonction de plusieurs facteurs permet d'expliquer cette hécatombe. La chaleur et l'absence de vent, l'entassement dans les wagons, une aération insuffisante, et de longues haltes en plein soleil, ont entraîné toute une série de phénomènes et en premier lieu l'asphyxie des détenus. Dans les wagons, les discussions, les gesticulations et les bagarres, notamment au sujet du manque d'eau, n'ont fait qu'aggraver une situation déjà mal engagée. L'hyperthermie provoquée par cette atmosphère viciée a déclenché chez certains des crises de folie sanguinaires et de violentes bagarres entraînant la mort de dizaines de personnes dans des conditions insoutenables. Pourtant, dans huit wagons, aucune victime n'a été recensée. Leurs occupants sont parvenus à nommer des responsables, à rationner l'eau, à mettre en place des rotations vers les lucarnes afin que tout le monde puisse bénéficier de l'air frais. Ces wagons se sont pour la plupart organisés autour d'un noyau de résistants qui a su imposer la discipline. En revanche, dans les autres wagons, la « loi du plus fort » s'est vite instaurée et les victimes se sont comptées par dizaines."


Sources citées par la FMD:

[1] Selon les services météorologiques de l'armée allemande, les deux villes françaises qui ont enregistré les températures les plus élevées pour cette journée du 2 juillet 1944 sont Reims et Châlons-sur-Marne, avec 34°.

[2] Christian Bernadac, Le Train de la mort, Editions France-Empire, 1970 et Francis Della Monta, Mémorial annuaire des Français de Dachau, 1987, p. 249-250.

[3] Il faut en particulier signaler la contribution de Thibault Letertre, Les déportés du convoi du 2 juillet 1944 Compiègne-Dachau. Le « Train de la mort », mémoire de M1 sous la direction de Michel Boivin, Université de Caen, 2006.

[4] Les nationalités sont connues pour 2146 déportés (99,7%).

[5] On connaît les dates de naissance pour 2088 déportés (97%).

[6] On connaît la profession de 1740 déportés (80,9%). La répartition des CSP est la suivante : employés/cadres inférieurs (22,5%), ouvriers de l'industrie (18%), patrons et salariés de l'artisanat (15,3%), paysans/marins/pêcheurs (13,7%), employés du commerce (10%), sans profession (8,8%), cadres supérieurs (7%), professions libérales (2,6%), patrons de l'industrie (2,1%).

[7] Les départements de résidence sont connus pour 1909 déportés (88,7%). Les plus représentés sont la Corrèze (160), la Seine (141), le Puy-de-Dôme (130), le Rhône (97), la Haute-Garonne (75), la Loire (55), le Lot (53), la Saône-et-Loire (53), l'Isère (50), la Somme (49), l'Allier (46), la Haute-Vienne (46), le Tarn-et-Garonne (46).

[8] On connaît 1877 dates d'arrestation (87,2%) : 5 en 1940, 15 en 1941, 13 en 1942, 153 en 1943, 1691 en 1944. Il faut signaler le cas de Pierre Pelet du mouvement Défense de la France, arrêté en avril 1944, mais déporté une première fois et évadé lors du transport du 25 juin 1943 partant de Compiègne vers le KL Buchenwald (I.110.).

[9] On connaît 1930 dates d'entrée au camp de Compiègne-Royallieu (89,7%) : 6 avant mai 1944, 19 en mai 1944 et 1905 en juin 1944.

[10] On connaît 1838 lieux d'arrestation (85,4%). Les départements enregistrant le plus grand nombre d'arrestations sont la Corrèze (172), le Puy-de-Dôme (141), la Seine (118), le Rhône (89), la Haute-Garonne (80), la Saône-et-Loire (53), l'Isère (54), le Tarn-et-Garonne (52), le Lot (50), l'Allier (48), la Somme (48), la Haute-Vienne (45).

[11] On connaît le motif d'arrestation de 1890 déportés (87,8%).

[12] Voir la notice du transport parti de Compiègne le 18 juin et arrivé le 20 juin 1944 au KL Dachau (I.229.).

[13] Voir à ce sujet le livre de l'Amicale des Résistants, Patriotes, Emprisonnés à Eysses, Eysses contre Vichy 1940-…, Editions Tirésias Michel Reynaud, 1992, p. 174-186. Les auteurs donnent le chiffre de 2 décédés parmi les 50 Eyssois lors du transport.

[14] Un transfert vers un second lieu de détention est attesté pour au moins 1366 déportés.


Responsable allemand du train

DIETRICH Ernest

capitaine de la Schutspolizei

par Jean-Yves Bonnard


Il est le chef convoyeur responsable du train de déportés n°7909 quittant Compiègne à destination de Dachau le 2 juillet 1944, dénommé "le train de la mort" en raison du grand nombre de détenus morts durant le voyage. Selon les témoignages, lors de sa prise de commandement du convoi à Novéant, on dénombre déjà 450 morts sur 2200 détenus. Le capitaine de police  fait "jeter de la chaux sur les corps des wagons  à cadavres sans faire vérifier si tous étaient morts". A Sarrebourg, il refuse aux délégués de la Croix-Rouge française de ravitailler les déportés en disant "Qu'importe, ils crèveront quand même".

Lors de son procès devant le tribunal de Metz présidé par le conseiller Rosembert, le 23 février 1950,il est défendu par Me Barthel, avocat du barreau de Metz et Me Rohmer, de Bad-Kreuznach. L'accusation est soutenue par le commandant Hennequin.

Il se défend en niant les faits ou en reportant la responsabilité sur sa hiérarchie. Il est condamné à la peine de mort.


Sources

Le Républicain Lorrain du 24 février 1950.


Biographie de déportés

ROPIQUET Pierre

Résistant

Déporté n°77363

par Jean-Yves Bonnard


Né le 28 avril 1924 à La Motte Saint-Héray (79) cet employé d'une coopérative agricole est arrêté en mars 1944 pour avoir refusé de se faire recenser pour le STO et s'être procuré une fausse carte d'identité afin de gagner Londres.

Incarcéré à la prison de la Pierre-Levée à Poitiers, puis détenu au camp de Royallieu, il est embarqué en gare de Compiègne le 2 juillet 1944 à destination de Dachau avec 2300 hommes dans ce que l'on appelera "le train de la mort". 

Arrivé à Dachau le 5 juillet, il est transferé à la fin du mois au camp de Neckarelz dans le Bade-Wurtemberg et travaille dans une mine pour l'installation d'une usine souterraine.

Souffrant de rhumatismes et atteint du typhus, il est transféré au camp de Vaihingen le 18 décembre 1944.

Il est libéré le 8 avril 1945 à Vaihingen et revient en France, en gare de Niort, le 22 mai 1945 à 5 heures du matin. Président de l'ADIF des Deux-Sèvres, il témoignera de son parcours dans les établissements scolaires à partir de 1988.

Il décède en janvier 2021 à l'âge de 96 ans.


Sources:

La Nouvelle République du 18 janvier 2021.


BERMEJO Patrice

Résistant

Déporté n°77815

par Jean-Yves Bonnard


Né le 17 mars 1922 à Cransac (Aveyron) où il demeure au n°11 de la rue Anatole-France, cet agent des PPT à Rennes devient réfractaire au STO. Maquisard à Prendeignes et Saint-Perdoux (Lot), il est arrêté par la gendarmerie à Maurs (Cantal), et interné aux maisons d’arrêt d’Aurillac (Cantal) puis de Riom (Puy-de-Dôme). Il y commence un petit carnet de notes et de dessins. Transféré au camp de transit de Compiègne-Royallieu (Oise), il est déporté par le Train de la mort le 2 juillet 1944 au départ de Compiègne et à destination de Dachau (Allemagne). Il est ensuite transféré aux camps d’Allach et de Kaufbeuren (Allemagne) puis à  Allach où il est libéré le 30 avril 1945.


Source

RISPAL Manuel, La libération désirée, T2, Massif Central 1940 - printemps 1945, Editions Authrefois.


VERCHUREN André Edmond

Résistant

Déporté n°77676

par Jean-Yves Bonnard


Né le 28 décembre 1920 à Neuilly-sous-Clermont d’une famille d’origine belge (Verschuere), il marche sur les pas de son père Raymond, musicien professionnel et après l’accordéon dès l’âge de quatre ans. Dès l’âge de six ans, il touche son premier cachet lors d’un bal à Ponchon. En 1936, à seize ans, il devient champion du monde d’accordéon et reçoit la coupe des mains du roi Léopold de Belgique.

Employé dans une usine de tréfilage, puis garçon de café et jardinier, il anime des bals dans le Clermontois. Durant la guerre, il aide à cacher des parachutistes alliés. Dénoncé en juin 1944, arrêté et brutalisé, il est interné au camp de Royallieu. Il est déporté à Dachau par le convoi en partance de Compiègne le 2 juillet 1944. Le 14 juillet suivant, il chante La Marseillaise à ses camarades du block 21. Affecté au sonderkommando, kommando en charge des fours crématoires, il est libéré le 29 avril 1945 à Neckaretz, kommando du KL Natzweiler.

Il reçoit un diplôme du président Eisenhower en reconnaissance des Etats-Unis.

Marié à Micheline Butor, il prénomme son premier fils Harry Williams en souvenir d’un parachutiste qu’il a aidé.

Naturalisé français le 5 avril 1957, célèbre accordéoniste surnommé « Verchu » et « le roi du musette », il recevra de nombreux prix (académie Charles Cros, Sacem, Académie du disque français…), animera des émissions de radio et de télévision sur Radio Luxembourg et Europe 1,  vendra plus de 80 millions d’albums, fera plus de 10 000 galas et enregistrera 777 albums (tous support confondus).

Chevalier de la Légion d’honneur le 5 mai 1986, officier le 4 novembre 1997, André Verchuren est titulaire de la Médaille militaire, de la Croix du combattant, de la Croix du Combattant volontaire et de la Croix du Combattant Volontaire de la Résistance. Il est élevé au grade de Commandeur dans l’ordre national du mérite le 17 novembre 2006.

Il réside à Creil puis à Gouvieux. Il décède le 10 juillet 2013 à 92 ans d’un arrêt cardiaque au cours d’un repas dans un restaurant de Chantilly.


Sources :

Fiche Wikipédia – Site FMD – Site andre-verchuren.com


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