Maquis-Ronquerolles

Le maquis de Ronquerolles

par Jean-Pierre Besse

 

Peu après le Débarquement, deux maquis sont implantés dans les forêts du sud du département de l’Oise, à la lisière de la Seine-et-Oise (Val d’Oise).

 

Le maquis du Ménillet et de la ferme des Tuileries

Dans la Seine-et-Oise à Ronquerolles, à la Ferme des Tuileries, et dans l’Oise dans le bois de Ménillet, commune de Belle-Eglise, sont installés de jeunes étudiants appartenant au mouvement Défense de la France de Philippe Viannay.  Ces hommes pour beaucoup inexpérimentés se forment à l’action armée dans ce secteur boisé à l’abri des regards indiscrets.


Les membres du maquis

chef : Philippe Viannay

Daniel Arakinos - Michel Bernstein - Emile Brunet - Pierre Bizos (alias Pierre Faux-Papiers) - Jacques Fournier - Jean-Charles Fritz - Marie Gontcharoff (alias Marie Toubib) - Gaston Lannelue - William Lapierre - Raymond Laurent - Yves Levallois - Pierre Meifreid-Devals - Pierre Mercier - Christiane Parouty - Louis Puccinelli - David Regnier - Jacques Richet - Françoise de Rivière - Hélène Roederer - Max Rolland - Monique Rollin - Maurice Roux (alias Marceau) - Jean Salmon-Legagneur



Le maquis de Courcelles

A six cents mètres environ de ce premier groupe, dans une grotte de Courcelles, se trouvent des membres du détachement FTP-Patrie et du détachement An II de la région de Beaumont-sur-Oise dirigé par Corentin Quideau de Champagne, ancien combattant de la Première Guerre mondiale d’où il est revenu mutilé. Ce groupe compte quarante-huit membres et fonde son action sur le harcèlement des forces allemandes et le sabotage des voies de communication.


Les membres du maquis

chef : Corentin Quideau (FTP an II)

chef du détachement Patrie : Kléber Dauchel (FTP Patrie)

André Beaurain - Pierre Carlier - Fernand Duirat - Roland Laurence - Gaston Lanneluc - Jean Lopez - Elie Quideau - Jean Vialet - Jean Vincent 



Travaillant ensemble dans le cadre des FFI, les différents groupes réalisent de nombreuses actions contre la voie Creil-Pontoise, très importante pour les autorités d'Occupation. Mais le secteur n’est pas favorable pour établir un maquis qui en plus est trop près des habitants pas toujours capables de garder le silence face aux multiples actions (attaque d’un convoi citerne et de sa remorque chargée d’essence, transports d’armes…)

Philippe Viannay (1917-1986)

 

Etudiant en philosophie à la Sorbonne, Philippe Viannay lance en avril 1941 le journal Défense de la France qui donnera aussi son nom à son mouvement de résistance. Il en sera le principal éditorialiste sous le pseudonyme Indomitus. Au fil du temps, son journal devient l’un des principaux titres de la presse clandestine (450.000 en janvier 1944). Fondateur du Mouvement de Libération Nationale, il entre dans la lutte armée en février 1944 avant de prendre la tête du maquis FFI de Ronquerolles. Arrêté par les Allemands, blessé de sept balles le 23 juillet 1944 puis hospitalisé, il parvient à s’évader et reprend le commandement de son maquis. Il sera reçu par le général de Gaulle le 24 août 1944 et donnera de nombreux renseignements à l’armée américaine dans la libération de la région parisienne. Quittant la presse clandestine, il fonde avec Robert Salmon le journal France Soir le 7 novembre 1944 puis crée en 1946 le Centre de Formation du Journalisme (CFJ). Il sera décoré de la Croix de la Libération.

Corentin Quideau, chef FTP

L’attaque du maquis (19 juin 1944)

Le 19 juin, deux officiers allemands font une tournée d'inspection en automobile en lisière des bois de la Tour-du-Lay et de Grainval. Ils aperçoivent l'homme en faction, de garde, du groupe Défense de la France, commandé par Viannay, et l'abattent. Il s'agit de Maurice Roux, alias "Marceau". Les Allemands se retirent et reviennent quelque temps plus tard avec des renforts.

Le groupe des FFI de Défense de la France envoie un agent de liaison, Hélène Roederer, prévenir les FTP de l'attaque allemande, car il est convenu qu'en cas d'attaque de l'un ou l'autre groupe, on se prêterait main forte. Deux groupes FTP sont envoyés à leur secours.

De violents combats se déroulent alors. Les maquisards plus habitués aux sabotages sont rapidement en difficulté dans ce combat frontal. Trois FTP sont tués, Elie Quideau, Jean Lopez et Jean Vialet.

A la fin de l’après midi, quinze hommes sont faits prisonniers (onze FFI et quatre FTPF). Onze d’entre eux sont d’abord détenus à l’hôtel de l’Ecu-de-France à l’Isle Adam où ils ont été transportés par camion. Torturés, ils sont fusillés le 19 juin 1944 à l’Orée du Bois de Cassan.

Les trois autres prisonniers, Pierre Carlier, Jean Vincent et André Beaurain, sont conduits à la Kommandantur de Saint-Cloud à Paris, puis à la prison de la Santé avant d’être déportés en Allemagne.

Les blessés, dont Kléber Dauchel et Roland Laurence, sont évacués sur l’hôpital de Beaumont où le docteur Fritschi, qui a déjà sauvé plusieurs résistants blessés, les opère.

Plan de l'attaque allemande dessiné par Philippe Viannay.

Témoignage de Kléber Dauchel


LES COMBATS DE RONQUEROLLES DU 19 JUIN 1944

À l’aube de cette journée du 19 juin, deux officiers allemands, en automobile, font une tournée d’inspection en lisière des bois de la Tour du Lay et de Grainval. Ils aperçoivent l’homme de faction, de garde, du groupe FFI de « Défense de la France », commandé par Philippe Viannay, et abattent celui-ci, Roux Maurice (nom de guerre Marceau).

Alors les officiers allemands se retirent, et quelque temps après font exécuter un commencement d’encerclement. Pendant ce temps, Philippe Viannay dépêche un agent de liaison, une jeune fille d’une vingtaine d’années, pour prévenir les F.T.P. des groupes « Patrie » et « L’An II », de l’attaque allemande, car il avait été convenu qu’en cas d’attaque de l’un des groupes, on se prêterait main forte.

Les F.T.P. étaient cantonnés dans une grotte qui se trouvait dans les bois de Courcelles, à environ six cents mètres du lieu de la première attaque.

Le groupe était composé de quarante-huit hommes, presque tous de la région, de tous âges, célibataires, mariés, pères de familles, connaissant très bien le secteur et dont un certain nombre était dans la Résistance depuis 1942. Quand au groupe F.F.I. du Val d’Oise, il était formé en grande partie d’étudiants de la région Parisienne, très jeunes mais d’un courage et d’un moral exemplaires.

Aussitôt parvenus sur les lieux, les F.T.P. prennent des mesures de défense, en doublant leur poste de garde, en mettant tous les hommes en état d’alerte, et en désignant deux groupes pour porter secours aux camarades F.F.I.

Pendant ce temps, l’armée allemande avait déjà commencé l’encerclement des bois, où elle supposait trouver les Résistants, et était sur le point d’aboutir quand arriva le renfort F.T.P. Ceux-ci se mettent immédiatement en liaison avec l’autre groupe F.F.I. qui se trouve à l’orée du bois, commandé par un chef de groupe du nom de guerre de « Henri ». Ce dernier nous confirme qu’il s’agit bien des attaquants, car nous pensions qu’il s’agissait des gardes-chasses du domaine de Sandricourt.

Le secteur pour l’instant paraît calme, et le camarade Elie Quideau, commandant d’un des groupes F.T.P. s’engage en reconnaissance dans le bois, avec deux de ses hommes, Pierre Carlier, de Beaumont, et Jean Vincent, de Persan. D’après le temps écoulé, ils n’ont pas fait cent mètres que des coups de feu sont tirés de part et d’autre, la dernière rafale étant dirigée vers le sol, Elie est touché.

Alors nous nous élançons dans le bois en direction de la mitraille pour soutenir nos camarades, et nous trouvons face à face avec les soldats nazis.

Il n’y a pas vingt mètres qui nous séparent, ils sont aussi surpris que nous de nous voir aussi près l’un de l’autre, cette surprise me permet de me jeter à plat ventre derrière un gros pommier dont la base est envahie par les hautes herbes et les broussailles. Je tire alors toutes les balles de mon revolver, seule arme que j’ai, d’un côté et de l’autre de l’arbre, ce qui permet à mon camarade Jean Lopez, de Chambly, de mettre en batterie son fusil-mitrailleur et faire feu par petites rafales en balayant le terrain. Mais son chargeur est bientôt vide, son pourvoyeur, Roland Laurence, de Chambly, n’a pas suivi et quand il lui passe un chargeur, il est déjà trop tard, je suis blessé au mollet de la jambe gauche. Laurence est blessé à son tour ainsi que Lopez, Vialet Jean, et Michel Guilbert.

Alors j’ordonne le repli, et j’emmène Laurence et Guilbert car, hélas, nos amis Lopez et Vialet ne pourront pas se relever. Carlier et Vincent, qui étaient avec Elie Quideau, et qui n’avaient pas d’armes, n’ont pu bouger et seront faits prisonniers (ils seront déportés en Allemagne).
Quant à Guilbert, Laurence et moi, nous nous replions sur Hédouville, où nous recevrons les premiers soins d’un groupe sanitaire de « Défense de la France ». Nous serons ensuite dirigés sur Beaumont, emmenés par Albert Bernier, de L’Isle-Adam, et opérés par le docteur Fritchi, à son domicile, avec l’aide des docteurs, M. et M
me Schwartz, de Persan et Mme Vilmot-Lucien, de Beaumont.

Notre intervention, quoique contrariée par la rapidité de l’action, a permis au groupe F.F.I. « Henri » de se dégager, et de se replier sur une nouvelle base. Il faut dire que tout avait été contre nous dans cette bataille inégale. Dans tous les domaines, les nazis étaient bien armés et bien entraînés, bien guidés et bien camouflés et oh ! combien plus nombreux que nous ! Nous n’avions que très peu d’armes et mal préparés à ce genre de combats. Notre rôle, à nous F.T.P. était d’agir rapidement par surprise et ensuite de décrocher et disparaître dans la nature sitôt l’action accomplie, pour désorienter l’ennemi, le démoraliser, afin qu’il soit toujours dans un climat de crainte et d’insécurité.

L’après-midi, les F.F.I. entreront dans la lutte et combattront jusqu’au soir. Ils feront payer chèrement la mort de leurs camarades F.T.P. Ils lutteront jusqu’à épuisement total de leurs munitions, permettant au Commandant Philippe de se dégager et de se replier avec ses hommes.

Les F.T.P. interviendront à nouveau dans le courant de l’après-midi, sur le flanc droit de l’ennemi en attaquant au fusil-mitrailleur près du château de Ménillet, interdisant l’arrivée de tout renfort de troupes nazies. Sur le point d’être à leur tour encerclés, ils se replieront et disparaîtront comme prévu, laissant un prisonnier, Beaurain André. Comme il ne portait pas d’arme, il sera déporté en Allemagne. Quant aux F.F.I., ils devaient déplorer 11 prisonniers dont plusieurs blessés. Ils seront tous fusillés à l’Isle-Adam, au lieu dit « La Table de Cassan ».

Dans le camion qui les transportait, notre camarade Elie Quideau, blessé deux fois, réussira, en traversant Champagne, sa commune, et où résidait sa famille, à jeter un papier et son portefeuille couvert de sang pour sa femme, lui faisant savoir qu’il était blessé, qu’ils n’étaient plus que trois, et qu’il lui faisait ses adieux.

C’est parce que nous ne pouvons oublier les faits décris ci-dessus, et auxquels ils ont participé, que nous témoignons aujourd’hui pour honorer nos camarades de la Résistance, pour le sacrifice qu’ils ont consenti, volontairement, pour la Libération de notre Pays, et pour faire connaître à la population ainsi qu’à la jeunesse qui n’a pas connu cette époque, en levant le voile sur ce qui s’est passé dans ces régions de l’Oise et du Val d’Oise.

Période cruelle imposée par le nazisme allemand, soutenu et aidé par les collaborateurs français, responsables tous deux de nos morts qui n’avaient eu que le tort de trop aimer la liberté et la paix.

Signé : Dauchel Kleber Responsable F.T.P.

La mémoire des maquis

Un monument a été élevé en leur honneur en 1945 près du chemin des Trois sources à l’Isle-Adam où sont gravés leurs noms.

Monument des résistants inauguré le 20 juin 1945 à l’Isle-Adam

près de la Table de Cassan (photographie Jean-Yves Bonnard)


De même, un monument a été érigé en souvenir du Maquis de Ronquerolles au Ménillet près de Belle-Eglise.

Chaque année, les anciens combattants et les autorités civiles commémorent l’attaque du maquis sur l’une des communes concernées.

La mémoire des jeunes résistants de Chambly est aussi honorée par un monument dans le cimetière de la commune.

Stèle du Ménillet (photographie Jean-Yves Bonnard)


Monument du cimetière de Chambly (photographie Jean-Yves Bonnard)


AUX VAINCUS DE RONQUEROLLES

Poème de Marie-Elisa Henriot

 

Ces premiers jours de juin, la France frémissante

Tout entière à l’écoute, attendait les nouvelles

Que la radio de Londres, alerté et vibrantes

Lançait, à chaque instant, sur les ondes fidèles,

Nos alliés d’Amérique, ayant franchi la Manche,

Débarquaient, très nombreux, dans notre Normandie,

A l’heure matinale, où l’aube est mauve et blanche,

L’heure où les grands troupeaux, dorment dans la prairie.

 

Notre fière jeunesse, ardente et généreuse,

Cantonnée dans les bois, embusquée ça et là,

Harcelait l’ennemi en rudes guérillas,

Pour délivrer la France, alors si malheureuse.

Soldats sans uniforme, et souvent sans souliers,

O Frères merveilleux, de ceux de Sambre-et-Meuse !

Pour soutenir l’action de nos deux grands alliés,

Vous faisiez tout sauter dans les nuits silencieuses.

 

Mais comme Jésus-Christ, au mont des Oliviers,

Vous avez dû vider de bien amers calices.

Judas vous a trahis, Pierre vous a reniés ;

Et vous avez connu les atroces supplices !

Les dix-neuf et vingt juin, ô sombre anniversaire !

Vaincus de Ronquerolles et des bois de Chambly,

On vous a fait gravir un douloureux calvaire,

Valeureux Partisans, cernés dans le Maquis !

Pourchassés par les chiens, blessés, sans munitions,

Vous avez été pris, par les hordes cruelles,

Qui sans ménagement, vous poussaient devant elles,

A grands coups de crosses, vers les auto-camions.

Enfermés dans les caves, devant un tribunal

De reître et de soudards, simulant la Justice,

On réserva les forts pour l’odieux Buchenwald,

Et les onze blessés conduits au sacrifice.

 

Et toute la journée, aux bois de l’Isle-Adam,

Nos courageux martyrs, au fond d’une carrière,

Furent laissés debout, sous le soleil ardent,

Sans rafraîchir leur soif d’une goutte d’eau claire.

Ils chantèrent pourtant d’une virile voix

Les couplets défendus, qu’on chantait autrefois.

Face aux mitrailleuses, notre vaillant Quideau,

Relevant le défi fait à l’âme française,

Malgré les blessures, lança la Marseillaise,

Et cracha son mépris au nez de ses bourreaux !

 

O compagnons, fauchés par les dures rafales !

Dans la Nature mie, reposez tous en paix.

Votre image erre encor parmi les aubes pâles

Et dans nos cœurs aussi vous vivez à jamais

O compagnons ! Fauchés par les dures rafales

20 juin 1946               


Maquisards tués

Elie Quideau, commandant d'un groupe FTP.

Jean Lopez, de Chambly, né en 1918

Corentin Quideau (FTPF), né en 1896

David Régnier (FFI), né en 1925


Neveu d’Honoré d’Estienne d’Orves, au nom de qui il jure de poursuivre le combat après son exécution par les Allemands en 1941, cet étudiant de Louis-le-Grand entre dans la clandestinité en septembre 1943 au sein du mouvement Défense de la France. David Régnier devient responsable du corps franc de protection en avril 1944 ; il a en charge la sécurité des résistants distribuant le matériel de propagande et les armes. Arrêté lors de l’attaque du maquis de Ronquerolles, il sera fusillé à l’Isle-Adam et inhumé au cimetière de Verrières-le-Buisson.

Il sera fait chevalier de la Légion d’Honneur et Compagnon de la Libération (décret du 17 novembre 1945). La Croix de guerre 39/45 avec palme et la médaille de la résistance lui seront décernées.

Jean Salmon-Legagneur (FFI), né en 1923


Pierre Mercier (FFI), né en 1923


Emile Brunet (FFI), né en 1924


Jean-Charles Fritz (FFI), né en 1924


Raymond Laurent (FFI), né en 1921


Gaston Lannelue (FFI), né en 1923


Pierre Meifreid-Devals (FFI), né en 1924


Louis Puccinelli (FFI), né en 1924


Yves Levallois (FFI), né en 1924


Jean Vialet (FTP)


Maurice Roux (FFI)

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