Sabotage voies ferrées

Les sabotages des voies ferrées et du matériel ferroviaire
par Jean-Pierre Besse

La situation du département de l'Oise, entre Paris, la Belgique et l'Allemagne, le place sur les voies de communication reliant ces espaces et lui donne donc une importance stratégique entre 1940 et 1944. D'où les multiples sabotages qui se déroulent sur son territoire.
Des cibles stratégiques
Ce sont d'abord les grandes lignes Paris-Amiens-Lille et Paris-Saint-Quentin-Berlin qui sont touchées, puis progressivement ces actions touchent toutes les lignes traversant le département. Sont visés les voies elle-mêmes, les ponts, le matériel (les machines principalement), les bâtiments et les signalisations. Les premiers sabotages sont réalisés par des équipes venues de Paris, les accusés du procès du Palais Bourbon ont agi, entre autres, à Ory-la-Ville. Plusieurs techniques sont utilisées : l'explosif ou le déboulonnage des éclisses.
L'action prend une signification différente suivant qu'elle vise les trains allemands (troupes, permissionnaires, matériel) ou les trains français, suivant qu'elle vise les convois de voyageurs ou les convois de marchandises.
Les sabotages des voies ferrées sont, avec les transports d'armes, les actions les plus dangereuses pour les résistants, du moins celles qui causent le plus grand nombre de victimes.
Elles ont aussi des conséquences pour les employés de chemins de fer, parfois victimes des déraillements, et pour les requis chargés de surveiller les voies. Ces derniers ligotés, volontairement ou involontairement, sont souvent inquiétés dans les jours qui suivent par les autorités d'Occupation qui leur imputent la responsabilité des accidents pour "défaut de surveillance".

Sources :
AD Oise, 33 W 8 250 - AD Oise, 89 W 10 913 - AD Oise, 1 232 W 259 - AD Oise, 1 232 W 254.


Sabotage d'un train dans la région de Beauvais

Un procès au Palais-Bourbon (mars 1942)
par Jean-Pierre Besse

Du 4 au 6 mars 1942, un procès se déroule dans l’enceinte du Palais-Bourbon à Paris. Le tribunal militaire allemand du Gross-Paris juge sept jeunes communistes membres des Bataillons de la jeunesse : Fernand Zalnikov, Robert Peltier, Tony Bloncourt, Christian Rizo, Pierre Milan, Roger Hanlet et Acher Semahya.
Les chefs d’accusation, retenus pour le procès, visent des sabotages et des attentats commis entre août et octobre 1941 à Paris et dans la région parisienne, dix-sept selon le Pariser-Zeitung. Parmi ces actions, quatre ont été commises dans le Sud du département de l’Oise.
La brigade de gendarmerie de Chantilly écrit dans son rapport du 12 août 1941 :
« Le 11 août 1941 à 10 h 30, Müller, chef de district SNCF de Chantilly, a constaté une tentative de sabotage par explosion sur la voie descendante de Paris. Au kilomètre 35 401, à 300 mètres de la gare d’Orry-la-Ville, il a découvert une excavation sous une traverse du rail extérieur (0 m 15 de profondeur ; 0 m 40 de diamètre). Il a été découvert, sur place, huit mètres de cordeau bickford, noir et consumé, partant du haut du talus et aboutissant à la voie, ainsi que des débris de ficelle de mauvaise qualité en partie brûlée. La voie est en remblai de trois mètres de hauteur, elle est longée par un sentier traversé par un second cordeau blanc de un mètre de longueur, de même marque non brûlé. L’explosion n’a pas été   entendue et n’a fait aucun dégât autre que de chasser une petite quantité de ballaste du côté où la mine avait été introduite. La projection de cailloux n’a pas excédé cinq mètres. La tentative a dû être commise entre 10 h le 10 août et le 11 août 10 h 30. Des travaux sont actuellement effectués pour la pose d’une troisième voie par l’entreprise Dehé et Cie de Paris.
Les premières recherches ont permis de découvrir, en bas du talus haut de trois mètres de terres rapportées, deux empreintes de pied (pointure 39) et des débris de papier gris bleu ayant contenu de la poudre. Il semble que la tentative a été commise par un individu inexpérimenté ou ne possédant pas les matières nécessaires. »
Lors du procès cet acte est imputé à Bloncourt et Rizo.
Le lendemain, nouveau rapport de la brigade de Chantilly. Dans la nuit du 12 au 13, il y a eu vol avec effraction dans une cabane de l’entreprise Déhé au lieu dit « La borne blanche » à Orry-la-Ville. Il a été volé une clé à tire-fond et une clé à boulons pour éclisses, outils habituellement employés à la pose ou à l’enlèvement des rails. Cette action est attribuée à Bloncourt, Hanlet, Rizo et Peltier. La gendarmerie avait demandé des renseignements sur les ouvriers du chantier. Figurait René Peltier de Gonesse.
Le 20 août 1941, un train de troupes allemand déraille entre les gares de la Chapelle en Serval et Orry-la-Ville, les éclisses ont été déboulonnées et des rails sont disjoints. Bloncourt et Rizo sont accusés de ce sabotage. Selon le rapport de gendarmerie, l’événement se déroule à 4 h 06 au point kilométrique 32 610 à deux kilomètres au sud de la gare d’Orry-la-Ville. Vingt-six wagons quittent la voie.
Enfin, le 13 octobre 1941, des explosifs (25 kilogrammes de tolite et 25 kilogrammes de gomme A) sont volés à Saint-Maximin à l’entreprise Vandewalle. C’est Zalnikov qui est accusé du vol.
Selon le rapport de la brigade de gendarmerie de Creil, l’action a été réalisée par quatre individus. Le dépôt d’explosifs était situé dans les carrières Fèvre à Saint-Maximin. Le rapport ajoute : « Un communiste notoire de Saint-Maximin, ouvrier de carrière, sera entendu sur les visites qu’il reçoit d’un individu originaire de Saint-Denis."
Condamnés à mort, les sept jeunes sont fusillés au Mont Valérien le 9 mars 1942.

Sources :

SHGN, 1939-1945, 60 E, 60 E 210- 60 E 91- 60 E 207- 60 E 357- 60 E 209- 60 E 94- 60 E 173, 174- 60 E 219- 60 E 180, 015 312, rapports de la Gendarmerie nationale, département Oise - AN, F 7 14 880 - Alary Eric, Un procès sous l'Occupation au Palais-Bourbon, Paris, Assemblée nationale, 2000, 158p .



Robert Peltier


Fernand Zalkinow

Le sabotage de Sarron
par Jean-Pierre Besse

Le 13 août 1942, à 15 h 40, un engin explose au passage d’un train transportant des travailleurs français vers l’Allemagne, une source parle de 500 travailleurs.
L’attentat se déroule sur la ligne Paris-Bruxelles, au point kilométrique 69 930 entre Pont-Sainte-Maxence et Chevrières, sur le territoire de la commune de Sarron. Le train ne déraille pas, il n’y a pas de victime.
Toutefois, l’un des auteurs de l’attentat, Jacques Bourgeois, ouvrier boulanger domicilié à Venette, est arrêté. Son camarade Robert Georgelin réussit à prendre la fuite en abandonnant sur place des vêtements et une musette contenant un pistolet à barillet et cinq cartouches.
Jacques Bourgeois, ses camarades survivants le savent mais ont tous déclaré ne pas lui en tenir rigueur, parle. La 21e brigade de police judiciaire basée à Saint-Quentin mène l’enquête et dans les jours qui suivent réussit à démanteler les premiers groupes de l’Organisation spéciale de la région de Creil, Compiègne, Montataire.
Le commissaire, chef du service régional des Renseignements généraux, écrit dans son rapport du 30 septembre 1942 que « l’organisation illégale du Parti communiste dans l’Oise a subi une désorganisation presque complète », qu’à ce jour « plus de vingt arrestations ont été opérées » et que « dix individus ont été déférés au parquet ». Ce même rapport constate « l’âge relativement jeune des inculpés » et signale que « le recrutement semble être récent puisque la moitié au moins des terroristes et des Jeunesses communistes (sic) arrêtés n’appartenaient pas au parti avant la guerre ».
Le rapport conclut cependant : « Durant le mois de septembre, le PC, malgré les rudes coups qui lui ont été portés, a cependant tenu à prouver sa vitalité par des actes de propagande et des actes de sabotages ».

Sources :

AD Oise, 33 W 8 351 - AD Oise, 33 W 8 354 - AN, F 7 14 880 - AD Aisne - AD Oise, 33 W 8 353 bis.



Jacques Bourgeois, Archives départementales Yvelines, 1 369 W 37, DR
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