1940 Destruction Clairière

La destruction de la Clairière de l'Armistice
par Jean-Yves Bonnard

Lorsqu'Hitler quitte la voiture du Maréchal Foch, le 21 juin 1940, son message déclamé en préambule aux pourparlers d'armistice à la délégation  française est très clair : il s’agit bien d’effacer une fois pour toutes « la honte la plus profonde de tous les temps » qu’a pu éprouver l’Allemagne. Cet acte de justice réparatrice est synonyme, pour lui, d’anéantissement. Le 11 novembre n’aurait jamais du avoir lieu. Il faut détruire tout ce qui s’y attache. Cette déclaration prendra tout son sens quelques jours plus tard lorsque les engins du génie allemand démonteront pierre après pierre les monuments de la Clairière de l'armistice pour l'abandonner à la charrue des bulldozers.
Un ordre d'Hitler
En quittant la voiture-restaurant, le chancelier Hitler laisse une enveloppe scellée à n’ouvrir qu’à l’issue des négociations d’armistice qu'il fait remettre en personne au général Keitel.
On y lit : « Immédiatement après la cérémonie de Compiègne, j’ordonne ce qui suit :
1)    Le wagon historique, la plaque commémorative et le monument célébrant la victoire française seront transférés à Berlin.
2)    Le piédestal du wagon, les rails et les pierres marquant son emplacement seront détruits.
3)    Le monument du maréchal Foch sera conservé intact.
Signé Adolf Hitler »

Des ordres seront suivis à la lettre
Le voiture 2419 D du Maréchal Foch est installée sur une remorque et emmenée par la route jusqu'à la gare de Crépy-en-Valois à destination de l'Allemagne?
Les jours suivants, les premières profanations du site sont exécutées par les hommes du génie allemand. Le monument des Alsaciens-Lorrains est découpé, les pierres de la stèle démontées. La dalle sacrée, quant à elle, est brisée. Son inscription vengeresse est mutilée et les blocs de granit sont numérotés et emportés dans la capitale allemande.
Le bâtiment renfermant le wagon est lui aussi mis en pièce après un dynamitage en règle le 3 juillet. Les rampes de cuivre qui entouraient la voiture dans l'abri sont découpées en morceaux pour être offerts en souvenir aux soldats.
Il ne doit rien rester de l’humiliation de 1918. Les rails de l’épi de tir sont emportés, même le ballast a disparu, jeté, dit-on dans l'étang du Carandeau proche de là. La clairière est labourée, nivelée et laissée à l’abandon.
Seule, la statue du Maréchal Foch, protégée par une structure de bois armée de sacs de sable, a été épargnée par les nazis, par respect pour l’homme de guerre, le chef, le militaire droit et loyal. Peut-être par respect de la mesure préservant les monuments liés à la Grande Guerre. Elle trônera seule, bientôt au milieu de cette friche. Le généralissime contemple le vide. Il ne s’est rien passé.

La statue du Maréchal Foch protégée par une armature en bois
en vue du dynamitage de l'abri.
L'exposition à Berlin de la voiture du Maréchal Foch
Le wagon, quant à lui, est emmené en Allemagne. De passage à Hanovre le 5 juillet 1940, il est conduit à Berlin trois jours plus tard pour être livré au regard des visiteurs lors de la fête de l'armée allemande. Exposé du 24 au 31 mars 1941 au Lustgarden, devant la porte de Brandebourg, il devient le wagon historique allemand.
En 1944, la voiture-salon est évacuée près d’Ohrdruf, en Thuringe. Puis, en avril 1945, face à l’avance américaine, elle aurait été incendiée par un détachement SS.


L’anéantissement de la Clairière de l'Armistice n’aura pourtant pas raison de la mémoire des hommes. Quatre années plus tard, le site doublement historique deviendra l’objet de toutes les attentions dans un objectif de purification des lieux violés par les nazis.
Sources:
Bonnard Jean-Yves, Le jour où l'Histoire s'est arrêtée, Ed. du Trotteur ailé, 2008.
Pilot Marc, L'armistice de 1940, in Mémoires des guerres Compiègne Royallieu 1918-1940-2012, Annales Historiques compiégnoises n°127-128, 2012.
Poirmeur André, Compiègne 1939-1945, Telliez, 1968.
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