La rafle de Crisolles
La répression allemande
Le 24 juin 1944, lendemain de l'attaque du maquis de Crisolles, les Allemands revinrent et investirent les lieux. Le corps sans vie de Gaston Devulder put être identifié et, tandis que le pavillon était dynamité, la maison du garde-chasse abandonnée à la hâte par sa famille fut mise à sac et incendiée par mesures de représailles.
Peu après, à la vue de la fumée, la sirène de la sucrerie de Crisolles retentit. Marcel Poulin appela des employés pour tirer la pompe à incendie et les accompagna jusqu’au lieu du sinistre.
André Naudin fit le récit de cet épisode : « Quand nous fûmes arrivés à une quarantaine de mètres de la maison incendiée, deux officiers allemands s’avancèrent vers nous, en effectuant de grands gestes et en criant « Raouss, Raouss ! » Ils étaient accompagnés de deux gendarmes français. Les deux officiers font demi-tour, pour rejoindre les autres soldats qui regardaient brûler la maison. M. Marcel Poulin protestait, il n’admettait pas que les Allemands incendient une maison de sa commune. Dès que les deux gendarmes ont rejoint M. Marcel Poulin, ils lui disent de ne pas insister, sinon cela risquait de tourner au tragique pour nous ».
Le réseau OCM de Noyon était ébranlé. Son chef, le commandant Fourrier, grièvement blessé, entra dans la clandestinité et fut remplacé temporairement par Marcel Janssen.
Le Maquis des Usages se situant sur le territoire de Crisolles, Marcel Poulin avait tout à craindre de représailles mais résolut de demeurer à son poste : "En juin 44, écrivit le comte de Grammont, la surveillance se resserrait autour de lui. Il aurait encore pu fuir, il ne l’a pas voulu – c’eut été déserter : le pays comptait sur lui. Il voulut rester à son poste jusqu’au bout."
Ce sens aigu du devoir, semblable à celui de son père durant la Grande Guerre, fut confirmé par le témoignage de René Desmazure : « Le Maquis du Bois de Crisolles vient d’être découvert. La nouvelle de cette escarmouche où sont tombés le garde Devulder et un de ses compagnons, sème une certaine panique dans la population. Je vais aussitôt à la mairie le trouver pour lui rendre compte de ce qui se passe. « Mais non, s’écrie-t-il que l’on ne se sauve pas, si les boches le voient on va s’avouer coupables ». Et il ajoute : « Quant à moi, il arrivera ce qu’il arrivera, mon devoir est de rester là, je reste ici, j’attends les boches ». Les boches ne sont pas venus, ils ont préféré attendre et le prendre en traître, comme cela est dans leurs mœurs et leurs habitudes. C’est le samedi 1er juillet, à 5h ½ du matin, qu’ils viennent l’arrêter ».
Confrontés au silence de la population, les Allemands procédèrent à des arrestations sommaires. Le 1er juillet, la police allemande opéra une rafle sur Salency où 35 hommes furent arrêtés puis incarcérés dans la prison de Compiègne. Ce même jour, les Allemands arrêtèrent à Noyon le Dr Roos et à Crisolles Gaston Lagant et Marcel Poulin. Neuf jours plus tard, ce fut le tour du maire de Salency, Médard Doré.

Marcel Poulin
Des arrestations en cascade
L’arrestation le 10 juillet d’Adrien Souris, jusque-là résistant OCM, précipita le démantèlement de la résistance du sous-secteur de Noyon. Probablement acheté par l’occupant, il trahit l’ensemble du réseau noyonnais allant jusqu’à participer activement aux arrestations et aux interrogatoires… Plusieurs membres de la résistance noyonnaise furent capturés notamment Norbert Hilger et son fils (16 juillet), Joseph Charles (17 juillet), André et Max Brézillon, René Philippon (18 juillet), Régis Pons et Michel Depierre (20 juillet), Gilbert Bleuse (22 juillet), Jules Mercier (4 août). Le traître fut aussi à l’origine de la rafle de Caisnes (26 juillet) au cours de laquelle 26 personnes furent arrêtées, essentiellement des réfractaires au STO et des expatriés. Recherché par les résistants noyonnais, le traître Souris fut capturé, interrogé et exécuté dans les carrières de Dreslincourt le 18 août 1944.
Tous furent regroupés à la prison de Compiègne puis au camp de Royallieu où ils furent détenus avant d’être déportés.
Cette vague d’arrestations eut pour effet de freiner l’action de la résistance autour de Noyon mais ne put enrayer la progression des forces alliées qui libérèrent Noyon dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944.
Les monuments commémoratifs
La mémoire du Maquis des Usages est ravivée chaque année lors de la cérémonie organisée le dimanche le plus proche de la date de l’attaque. Après le discours d’un résistant suivi d’un dépôt de gerbe de fleurs au monument dressé sur l’emplacement du chalet, un hommage particulier est rendu aux deux résistants tués par la lecture de la plaque apposée sur la maison du garde-forestier.
Si la commune de Crisolles a tenu à rendre hommage à ses enfants morts durant la guerre, notamment en apposant leur nom sur le monument aux morts et sur des plaques de rue, elle rendit un hommage appuyé à Marcel Poulin en érigeant sur la place de la Mairie une stèle sur laquelle fut apposée une sculpture en bronze représentant son portrait de profil.
Œuvre de l’architecte F. Riehl et du sculpteur Maurice Prost, cette stèle fut inaugurée le 19 septembre 1948 par le préfet de l’Oise en présence du ministre André Marie, ancien détenu à Compiègne et déporté à Buchenwald.
A Beauvais, le nom de Marcel Poulin est inscrit sur une plaque scellée dans le hall du conseil général de l’Oise au côté de ceux des élus tués lors de la seconde guerre mondiale.